L’historique depuis 1945

La loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé constitue un événement charnière dans l’histoire des droits des usagers. Elle est pourtant le résultat d’une lente évolution, non encore achevée, initiée au lendemain de la seconde guerre mondiale.

Après la seconde guerre mondiale : du « malade assisté » au « malade objet de soins ».

Au lendemain de la seconde guerre mondiale, on assiste à la naissance du mouvement d’humanisation des hôpitaux, lesquels passent alors d’une fonction asilaire d’accueil des plus pauvres à une mission de soins, offerte à tous. Pour autant, le malade n’est encore trop souvent qu’un « objet » de soins.

Le décret et la charte de 1974 : du malade « objet de soins » au malade « sujet de soins »

Avec la parution du décret n° 74-27 du 14 janvier 1974 relatif aux règles de fonctionnement des centres hospitaliers et des hôpitaux locaux, d’une part, et de la charte du malade hospitalisé, d’autre part, une étape décisive est franchie dans la reconnaissance des droits et devoirs des personnes malades et, à travers ces droits, dans la reconnaissance du nécessaire respect de leur dignité et de leur personnalité.

A partir de 1974 : évolution de la notion des droits des personnes dans la sphère de la santé

A partir de cette date on assiste à une évolution qui se manifeste, d’une part, au travers de nombreux textes, chartes, codes, rapports, décisions jurisprudentielles (tant en droit interne qu’en droit international) et, d’autre part, au niveau sociétal.

Les prémices de cette évolution sociale coïncident avec le brusque développement de la médiatisation de l’information médicale et les premiers cas de sida (virus de l’immunodéficience acquise VIH) en France. L’émergence brutale de la maladie, son caractère et inéluctable, le jeune âge de la population touchée, composée pour partie de personnes engagée dans la lutte contre les discriminations, ont sûrement été des facteurs décisifs dans ce bouleversement des comportements : les certitudes des médecins se trouvaient ébranlées tandis que, pour la première fois, des malades revendiquaient, dans un renversement inédit des rôles de transmission du savoir médical, le droit de participer à la décision concernant leur traitement.

Très vite la revendication s’est élargie à la sphère collective, notamment à l’occasion des autres catastrophes sanitaires (amiante, maladie de Creutzfeldt-Jakob, sang contaminé, …) qui, montrant les difficultés rencontrées par les autorités publiques pour les prévenir ou les maîtriser, ont déclenché des prises de conscience militantes manifestant le souhait que la parole de « l’usager » soit prise en compte dans le cadre des décisions de santé publique.

La loi du 4 mars 2002 : l’usager acteur du système de santé

L’organisation des États généraux de la santé

Prenant acte de cette évolution sociétale et pour connaître plus précisément les attentes des malades, des États généraux de la santé (EGS) ont été organisés afin d’associer l’ensemble des personnes résidant en France aux évolutions du système de santé, au travers de débats publics menés à l’échelon national et régional.
A l’issue de ces EGS, deux données essentielles ont émergé :

 au plan individuel : la méconnaissance des usagers concernant leurs droits
 au plan collectif : le souhait des usagers de pouvoir s’exprimer davantage sur les questions afférentes au système de santé.

Se fondant sur ce constat, M. Lionel Jospin, alors Premier ministre, a annoncé en juin 1999 :

 d’une part, la mise en place, confiée à M. Étienne Caniard, d’un groupe de travail chargé de faire des propositions sur la place des représentants des usagers dans les établissements de santé et sur le développement des structures de conciliation et de médiation. Le rapport issu de ces travaux, auxquels a très étroitement été associé le Collectif Inter-associatif Sur la Santé (CISS), a constitué l’architecture du texte préparatoire de la loi de 2002 pour sa partie relative aux droits des malades
 d’autre part, l’élaboration de dispositions législatives sur les droits de la personne malade.

Pour en savoir plus : États généraux de la santé : une démarche innovante pour plus de démocratie (document issu du site du Haut Conseil de la santé publique)

La loi du 4 mars 2002 : les fondements d’une démocratie sanitaire

Dans ce contexte, la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 sur les droits des malades et la qualité du système de santé a été élaborée, en concertation avec des associations œuvrant dans le domaine de la santé, dans une double perspective :

 rendre plus lisibles, en les rassemblant, des textes préexistants (fondamentaux ou spécifiques) et les compléter par des droits nouveaux et par la mise en place de procédures destinées à en favoriser l’application
 organiser l’expression des usagers à tous les niveaux de façon à leur permettre d’être partie prenante dans les orientations de la politique de santé, à favoriser le débat public et l’information des citoyens
 mettre en place un dispositif de conciliation et de règlement amiable des accidents médicaux et des infections nosocomiales, en reconnaissant la possibilité d’indemniser des dommages non liés à une faute.

Ainsi, la loi pose-t-elle les fondements d’une véritable démocratie sanitaire, comme l’atteste l’intitulé de son titre II, en affirmant les droits de l’usager qui contribuent à le rendre à la fois acteur de la prise en charge de sa propre santé et acteur des décisions de santé publique.

L’après loi du 4 mars 2002

Depuis la loi du 4 mars, de nouveaux textes ont été promulgués qui visent à renforcer ou préciser tant les droits individuels que collectifs des usagers. On peut noter :

Dans le champ des droits collectifs des usagers, la loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique qui renforce la participation des usagers aux politiques publiques de santé, notamment, avec la redéfinition des missions de la conférence nationale de santé (qui devient dès lors un véritable lieu de concertation sur les orientations des politiques de santé) et la création de la commission nationale d’agrément des associations ;

Dans le domaine des droits individuels des usagers,

cette même loi a confié à l’organisme en charge de l’indemnisation des accidents médicaux celle des victimes du VIH et des accidents vaccinaux, tout en instituant l’indemnisation des victimes de mesures prises par les autorités publiques pour faire face à des catastrophes sanitaires ;

 la loi n° 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie. Elle marque une étape importante d’une part en renforçant le droit de refus du patient d’être soigné et, d’autre part, en organisant les situations particulières des personnes en fin de vie et des personnes hors d’état d’exprimer leur volonté. Cette loi institue également les directives anticipées ;
 la loi n° 2008-1330 de financement de la sécurité sociale pour 2009 du 17 décembre 2008 (article 67) qui met en place un dispositif de règlement amiable des victimes du virus de l’hépatite C d’origine transfusionnelle ;
 la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires : elle vise essentiellement à garantir un égal accès des personnes à des soins sûrs et de qualité. A cette fin, l’organisation de l’offre de soins a été repensée pour, notamment, faciliter et rendre plus lisible le parcours de soins en créant des passerelles entre la prise en charge des patients en ville et à l’hôpital, la prévention et le secteur médico-social.

De plus, la loi renforce la lutte contre toute forme de discrimination susceptible d’entacher l’égalité d’accès aux soins : à travers le dispositif d’encadrement des dépassements d’honoraires par les médecins, d’une part, et la lutte contre le refus de soigner que des professionnels de santé opposent à certaines personnes malades, d’autre part.

 la loi n° 2010-2 du 5 janvier 2010 relative à la reconnaissance et à l’indemnisation des victimes des essais nucléaires français qui crée une possibilité d’indemnisation amiable des victimes de dommages résultant des essais nucléaires français
 la loi n°2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge qui prévoit l’intervention du Juge des libertés et de la détention lors de soins psychiatriques sans consentement.

Aujourd’hui le défi n’est plus tant de créer de nouveaux droits que de favoriser l’application de ceux existants. L’information joue à cet égard un rôle primordial.